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Notions de biodynamie

Dans le vin, le terme de biodynamie, qui se rencontre de plus en plus, revêt parfois une teinte mystique et une position délicate à situer dans le paysage de l’agriculture. Il y a les pro-biodynamie, les détracteurs, ceux qui s’en fichent, et d’autres pour qui il s’agit d’un gage de qualité sans vraiment savoir pourquoi.

Cette notion s'apparente-t-elle aux vins issus de l’agriculture biologique ? Retrouve t-on la biodynamie seulement dans la viticulture ? Est-ce effectivement un gage de qualité ? Une mode ? Ou bien est-ce une invocation druidique clamée par le vigneron une nuit de pleine lune au centre de ses vignes plantées sur un coteau exposé au Sud / Sud-Est ?

L’idée de cet article m’est venue suite à la rencontre intitulée ‘La Biodynamie, qu'est-ce que c'est ? » du 30 mars 2018 dans la boutique Autres Vignes (75017) et animée par Florent Bonello (ingénieur agronome). Le but n’est pas ici de brosser un portrait exhaustif de la biodynamie mais plutôt d’en présenter quelques aspects qui donneraient envie de mieux l'appréhender.

Causes de l’agriculture biodynamique.

C’est à la Première Guerre Mondiale qu’il faut remonter pour pour en saisir les racines. En France et en Allemagne surtout, les soldats s’entretuaient sans trêve pendant des mois entiers avec comme armes des fusils et des bombes utilisant le nitrate comme explosif. Déversé par conséquent en grande quantité sur les champs de batailles, ce nitrate qui est l'une des principales
sources d’azote pour la croissance des plantes, magnifia la végétation.Pesticides et fongicides

Pour écouler les stocks de nitrate qui n’allaient plus servir à tuer après l’Armistice, les pays européens trouvèrent la solution de les mettre au service de l’agronomie. Nous sommes au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale et l’agriculture intensive venait de naître.

Les anciennes variétés n’étaient pas habituées à recevoir autant de nitrate d’un coup. Le blé, par exemple, ayant trop de hauteur ne tenait plus debout.
Qu’à cela ne tienne ! Les scientifiques croisèrent des plants pour en créer un plus petit et de ce fait qui ne s’affale pas à terre pour ainsi augmenter le rendement. C’est ce qui a été appelé « La Révolution verte ».

L’équilibre naturel est modifié et des plantes et herbes non désirées prolifèrent.
Soit. On inventa les herbicides.
Les rendements se densifièrent, si bien qu’au niveau du sol l’humidité avait du mal à s’évaporer et ces zones moisissaient. Comme réponse, les fongicides furent la solution.


Débuts de l’agriculture biodynamique.

Au début des années 20 en Allemagne, des consommateurs, médecins, agronomes mais aussi des propriétaires terriens recherchent des méthodes alternatives de production agricole. Ils s’inquiètent de la baisse qualitative des aliments produits, des maladies récurrentes observées chez les plantes et les animaux; de la chute de la fertilité des sols.

Rudolf SteinerC’est vers un certain Rudolf Steiner qu’ils se tournent. Ce philosophe occultiste, scientifique, critique littéraire, âgé de 63 ans à la santé défaillante est lui-même conscient des conséquences néfastes de la fertilisation chimique et de l’importance de l’alimentation pour le développement de l’homme.

Ses travaux traitent depuis longtemps du développement psychique et spirituel de l’être humain et du monde. Étonnamment, il n’a aucune formation biologique ou agronomique et n’a jamais travaillé dans les champs.
De son bureau il va concevoir, dans la continuité de son courant de pensée, l’anthoposopie, les fondements de ce qu’on appellera plus tard l’agriculture bio dynamique.

Afin de répandre sa vision, sa pensée et ses recherches, il fit du 7 au 16 juin 1924, devant agriculteurs, vétérinaires et scientifiques, une série de 8 conférences dont certaines furent suivies d’échanges. Steiner nomma ces conférences « Cours aux agriculteurs » où il présenta les bases de la méthode biodynamique

 

Cours aux agriculteurs

La notion fondamentale de l’enseignement de Rudolf Steiner est l’autonomie du domaine viticole, de la ferme ou même du jardin. Ces lieux doivent être vus et compris comme des organismes vivant en harmonie avec les éléments dont ils dépendent : le sol et sa composition, la cohabitation du règne végétal et animal afin de créer de la diversité; tout ceci évoluant au milieu d’un certain environnement climatique, des saisons et des rythmes cosmiques.

Le cours aux agriculteursLors de son Cours aux agriculteurs, Steiner n'exposa pas moins de 120 points précis d’une nouvelle façon de retrouver un lien avec avec la terre et de la travailler.
Pour donner quelques exemples, les notions sur les plantes vivaces côtoient celles sur la formation de l’humus ou des couleurs des plantes. D’autres points parlent de l’action du calcium ou de la camomille et de l’ortie sur la composition du sol.
De plus, très spécifique à de nouveau mode, un système de "préparations" est enseigné. Il s'agit de sortes de réalisations végétales et / ou animales, pulvérisées ou enterrées, visant à fortifier le sol, les feuilles ou le compost.
Elles portent des noms bien particulier comme la bouse de corne (préparation n°500), la silice de corne (501), ou bien encore le précurseur du compostage (Starter).

Entremêlées à ces points pratiques d’agriculture pure, il exposa des directions beaucoup plus spirituelles.
En effet, cette part est primordiale dans la méthode biodynamique. Il ne s’agit pas de religion, ni d’une vision sectaire - au sens sectarisme du mot - mais bel et bien d’entourer, de border et d’envelopper cette agriculture qui active la vie dans le sol.
Par quels moyens ? En premier lieu, avant de pouvoir prétendre à une conversion en biodynamie, le domaine agricole ou viticole doit impérativement être certifié bio selon le règlement européen, ce qui demande déjà 3 ans.

En plus de travailler à un un sol le plus « paysan » possible, la biodynamie met en oeuvre des pratiques propres, qu’elles soient spirituelles ou non. Celles-ci sont l’élaboration et l’utilisation de préparations biodynamiques permettant de fortifier les plantes et le sol, ou encore d’améliorer le compostage des matières organiques; mais aussi de travailler en fonction les rythmes cosmiques

Ces pratiques seront vues de manière plus détaillées dans l’article « notion de biodynamie 2/2 ». 


Les grands types de viticulture

Si le nom de l’appellation ou la région viticole peuvent être importantes pour le consommateur, les pratiques viticole et vinicole sont des considérations qui peuvent orienter le choix d’un vin.
Voici quelques éléments pour chaque catégorie rencontrée :

Viticulture conventionnelle

Il s’agit de la plus pratiquée dans le monde et résulte des transformations de l’agriculture des années 50 en Europe principalement comme vu plus haut dans cet article.
Elle utilise des traitements à base de produits chimiques plus ou moins nocifs. Ce système de production vise à maximiser la production.
L’optimisation de la production est liée à l’emploi de variétés et races à haut rendement, de mécanisation ainsi que d’intrants de type engrais et pesticides ou aliments concentrés.

Que sont les intrants ?
En agriculture, on appelle « intrants » les différents produits apportés aux terres et aux cultures comme les engrais ; les amendements (éléments améliorant les propriétés physiques et chimiques du sol, tels que le sable, la tourbe, la chaux…) ; les produits phytosanitaires ; les activateurs ou retardateurs de croissance ; les semences (et plants) peuvent être considérées comme le premier intrant en agriculture.

Viticulture raisonnée

Les années 1990 marquent la prise de conscience des problèmes liés à l’agriculture conventionnelle et sa volonté de grand rendement.
Face au problème d’appauvrissement des sols et à une volonté de glisser vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement, des vignerons créent le label Terra Vitis. Terra VitisCe label, associé à une viticulture dite « raisonnée », vise à respecter l’environnement, le terroir et à répondre aux attentes du consommateur.
Terra Vitis est une certification environnementale reconnue par l’État français. Elle rend la viticulture plus contraignante que celle dite « conventionnelle » sans être biologique. L’impact de l’activité agricole sur l’environnement est  limité : moins de produits chimiques et traçabilité des traitements.

 

Viticulture intégrée

Dans les années 2000 apparaît la viticulture intégrée. Cette initiative met en oeuvre une combinaison de mesures biologiques, biotechnologiques, chimiques, physiques et culturales. L’emploi des produits chimiques (phytopharmaceutiques) est limité.
Le label associé est celui du Tyflo (qui est l’appellation familière du typhlodrome, une araignée qui est le prédateur naturel des acariens.).

TyfloPour être labelisé Tyflo, le vigneron s’engage par contrat auprès d’Ecotest qui est un organisme indépendant.
Pendant les 2 millésimes que dure la conversion, les pratiques du viticulteur sont contrôlées. Après des 2 ans, le vigneron est autorisé à faire référence à la production intégrée, reconnue par l’Organisation Internationale de Lutte Biologique et Intégrée (O.I.L.B.) et à utiliser le logo Tyflo.

Viticulture biologique

La volonté première de l’agriculture biologique - et la viticulture du même nom - est de bannir les produits chimiques (que ce soit pesticides, fongicides, désherbants, fertilisants). Les vignerons utilisent des matières premières d’origine naturelle tels le cuivre, le soufre et insecticides d’origine végétale. De plus, la lutte naturelle entre les espèces est recherchée.
L’objectif est de pérenniser la vigne dans son environnement par la recherche d’un bon équilibre sol/ plante/climat et par la protection du milieu (érosion, qualité de l’eau, diversité biologique...).

Nature et ProgrèsAgriculture BiologiqueJusqu’en 2012 le logo d’Agriculture Biologique désignait des vins issus de 95% de raisins cultivés dans produits chimiques ni OGM. Depuis février 2012, dans tous les pays de l’union Européenne, c’est le logo Eurofeuille qui l’a supplanté.
Des contrôles d’organismes certificateurs agréés par l’État (Ecocert par exemple) assurent le respect du cahier des charges et donnent le droit aux producteurs d’utiliser le logo des labels AB (Agriculteur Biologique), EuroFeuille ou Nature et Progrès.
Il est nécessaire pour un domaine de passer par trois années conversion avant de pouvoir accéder à sa certification.

Il est à noter qu’en 2012 a été adoptée par Bruxelles la règlementation sur la vinification biologique. Elle vise à établir la liste des intrants autorisés (Albumine, acide lactique, bactéries lactiques, etc.) et interdits (kaolin, tartrate de calcium, etc) lors de cette étape de production.


Viticulture biodynamique

Cette méthode de culture est, comme nous l’avons vu dans cet article, plus globale. Elle repose sur la recherche d’un équilibre de la vigne avec son environnement immédiat et lointain.
En plus de respecter les pratiques de l’agriculture biologique, elle intègre  des soins spécifiques à base de matières végétales, animales et minérales. L’application de ces préparations est faite à des moments précis calculés en fonction des cycles de la vigne, lunaires et cosmiques. Ces pratiques seront vues plus en détail dans l’article « Notions de biodynamie 2/2)

Deux labels certifient les produits issus de l’agriculture biodynamique : Demeter et Biodivin. Un troisième, Biodyn,  peut se rencontrer et désigne les domaines agricoles en reconversion.

Demeter
Créée en 1932, Demeter labellise les vins en biodynamie. Le cahier des charges, plus strict que le règlement bio européen, autorise moins d’intrants sur les cultures et durant la vinification. Cette marque de certification de l’agriculture biodynamique est présente dans plus de 60 pays.
DemeterPour prétendre à la certification Demeter, il faut que le domaine soit bio selon le règlement bio européen. Les deux conversions (pour Demeter, une période de conversion de deux à trois ans est nécessaire pour obtenir la certification) peuvent démarrer simultanément. La méthode biodynamique exige de respecter les techniques spécifiques vues plus en détail dans l’article : « notions de biodynamie 2/2.
En renforçant les vignes, la biodynamie permet aux vins d’exprimer pleinement les qualités et la typicité du terroir. Les viticulteurs sont unanimes : la qualité des vins est grandement améliorée par les pratiques biodynamiques.

À noter que deux mentions sont possibles sur l’étiquetage : « vin Demeter » et « vin issu de raisins Demeter ». Ensuite, de manière annuelle, un contrôle est effectué. Enfin, pour garantir la qualité de certification, Demeter France est audité régulièrement par un organisme de certification Demeter d’un autre pays.
En France, plus de 700 lieux sont certifiées Demeter, avec une forte proportion de vignerons. Le nombre de structures certifiées est en croissance de près de 15% par an.

Biodyvin
Ce label est né sous l’impulsion d’une quinzaine de vignerons en 1995. En voulant mettre en commun leurs pratiques viticoles biodynamiques, ils créèrent le Syndicat international
des vignerons en culture bio-dynamique (SIVCBD).Biodyvin
À la manière de Demeter, les domaines membres doivent être certifiés AB après 4 années de conversion à la bio-dynamie, le syndicat délivre le label BIODYVIN aux adhérents ayant été contrôlés. Aujourd’hui 135 domaines principalement en France, mais également en Allemagne, Portugal, Italie et Suisse pour une surface totale de vignes approchant les 3500 Ha.
Techniquement très proche de Demeter, biodyvin impose en plus un contrôle annuel par l’organisme Ecocert ainsi qu’une dégustation chargée. Une haute qualité gustative des vins est exigée.


 

Sources & remerciements

www.vernoux.org
www.bio-dynamie.org
www.demeter.fr
www.biowallonie.com
www.wikipedia.fr
www.itab.asso.fr
www.futuragro.be
www.vignevin-sudouest.com
Magazine Biocontact
Magasine Le Nouveau Consommateur
Documentaire : « Bernard Ronot, de l'agriculture intensive à la biodynamie »

Merci à la Maison J. Tempé – Jessel d'avoir eu la sympathie de partager les photos de leur domaine et travaux.
Merci à Corentin Quemener pour les informations.

 

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