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"Autour d'un verre" avec Corbeyran / Photo ©JBNadeau

Autour d'un verre, des personnalités évoquent en six questions leur lien avec le vin.
Scénariste de bande dessinée (Châteaux Bordeaux, Vinifera, ...) passionné de la vigne, rigoureux et prolifique, Corbeyran se prête à cet exercice.  

Autour d'un verre avec Corbeyran

Le vin et vous, c'est depuis quand ?

C’est une histoire assez récente au regard de ma déjà longue existence (57 ans).
J’ai commencé à m’intéresser sérieusement au vin quand j’ai démarré mes premiers repérages pour la série « Châteaux Bordeaux ». Avant, je n’y connaissais rien. Je n’y comprenais rien. Je me prenais les pieds dans les appellations, dans les cépages, dans les prix. Tout ça me paraissait incroyablement compliqué et insoluble. Tout simplement parce que ça ne me passionnait pas.

En réalité, à l’époque, je buvais à peu près n’importe quoi, surtout des alcools, très peu de vin, et ça m’allait très bien. À de rares exceptions (comme le « La Fleur Cailleau » de Paul Barre ou le « Vin du Tsar » produit à côté d’Agen) il était très rare que je sois satisfait par ce que je consommais. Je n’avais pas de palais. J’étais ignare.

En 2007, mon éditeur Jacques Glénat m’a suggéré de réfléchir à une série sur le vin de Bordeaux. J’ai haussé un sourcil et j’ai répondu « pourquoi pas » ? L’affaire était lancée. Je m’y suis mis à fond et j’ai découvert un univers incroyablement riche. Depuis, je n’ai jamais cessé de creuser le sillon. Aux côtés de ceux qui font le vin, on apprend tous les jours...

Votre cave idéale, vous l'imaginez comment ?

Je n’ai pas d’idéal en la matière. Je ne crois qu’au concret et je n’aime que les vins qu’on peut boire à tout moment entre copains. J’achète pas mal en primeur chaque année auprès de la Maison Sichel, du coup, je laisse vieillir des bons trucs et j’établis une sorte de rotation dans ma cave.

Sur certaines étagères, ça roupille quelques années en attendant l’heure. Sur d’autres, on peut se jeter sur la came quand c’est bon à boire. J’achète aussi directement dans les domaines que je visite. Je me déplace pas mal. La rencontre est importante pour moi, autant que la dégustation.

Mais au final, pour en revenir à la cave, l’essentiel c’est que n’importe lequel de mes potes peut y descendre et choisir les quilles qui lui font plaisir. Rien n’est sacré, je suis juste l’antithèse du spéculateur, du collectionneur ou du buveur d’étiquettes. Je suis pour les instants de folie et pour l’inspiration du moment. Il m’arrive d’ouvrir un grand cru classé en mangeant une pizza. Parfois c’est plus élaboré, mais à la base le crédo est le même : fais ce qu’il te plait, improvise, fais toi plaisir et fais plaisir aux gens que tu aimes. 

Le vin s'invite t-il lorsque vous créez ?

Ah non. J’ai des horaires et une routine inébranlable quand je travaille. Ahaha ! Ok, j’ai l’air un peu à la ramasse sur les photos, mais en réalité, je suis super bien organisé et très rigoureux dans le boulot. Donc zéro alcool la journée. Je bosse à sec. Par contre, quand le soleil se couche et que j’éteins l’ordi… youhou ! J’ouvre une quille et la soirée peut commencer… 

Si votre plus beau souvenir de dégustation était lié à votre carrière, ce serait : une esquisse, un dessin, une planche, un album, … ?

Mmmm… voyons… une esquisse, c’est une promesse… c’est donc le meilleur moment… quand on hume le vin. Mais comme je suis un mec sérieux, je vais pas me contenter de le renifler, alors je passe de l’esquisse au dessin et je bois mon verre… là, c’est déjà mieux… j’apprécie… je partage...

La planche, ce serait quand la bouteille est terminée… On a dégusté ensemble un truc qui nous a touché, et en prime, l’ivresse s’invite qui rend le monde plus doux…

Quant à un album, ce serait quoi ? Une caisse de 12 ? Donc si la promesse est tenue, il est fort possible que je reparte avec un carton dans mon coffre… Ce n’est peut être pas la réponse que vous attendiez, mais ça vous donne une idée de la démarche que j’adopte en général lors de mes visites dans le vignoble… 

Un verre de vin pour le plaisir, l'inspiration, la convivialité …?

Des beaux souvenirs de dégustation, j’en ai plein ma mémoire ! J’ai bu en Bourgogne, en Provence, à Chinon, en Italie, en Espagne, au Portugal, en Argentine, au Chili... dans des propriétés immenses et réputées aussi bien que dans des petits domaines sans prétention...

Mais ma première dégustation reste l’une des plus marquantes. Elle s’est déroulée à « Smith Haut Lafitte » en compagnie de mon éditeur et des propriétaires du domaine, Florence et Daniel Cathiard. Je n’y connaissais absolument rien, Je ne savais pas qui étaient ces gens, je ne comprenais pas ce qu’ils disaient. Je n’étais que le mec qui allait faire une BD sur le vin et qu’il faut former un peu pour éviter qu’il raconte n’importe quoi. J’étais donc en mode survol à 3000 mais – détail important - j’avais de quoi boire dans mon verre. Alors j’ai fait ce que j’avais à faire : j’ai trempé mes lèvres dans le vin blanc qu’on m’avait servi. Quelque chose a fait tilt dans mon palais et dans mon cerveau. Je n’avais jamais rien goûté d’aussi incroyablement bon ! Je l’ignorais encore à ce moment-là, mais j’allais devenir très ami avec le directeur technique du château : Fabien Teitgen. C’est lui qui avait vinifié ce bijou. Je retourne voir Fabien régulièrement. On papote. On se marre. On se régale. Et de temps en temps, on regoûte ensemble ce fameux 2007 et on le trouve toujours aussi génial.   

Un dernier verre avant de se quitter ?

Aujourd’hui, le vin fait complètement partie de ma vie. Je vais dans les domaines. Je dîne chez des vignerons dont certains sont devenus mes amis. J’adore ça. Je continue à découvrir. Le vin évolue en permanence. J’organise aussi des mini-dégustations maison avec des vignerons et des potes, autour d’un bon repas. Ce sont d’excellents moments de découverte, de rigolades et de convivialité.

Corbeyran

Né à Marseille en 1964, Corbeyran réside à Bordeaux depuis 1987. Passionné par l’image fixe et le fantastique, il se tourne naturellement vers la bande dessinée. Il est aujourd’hui l'un des scénaristes français les plus profus. Son œuvre, jalonnée par de nombreuses récompenses, est forte plus de 400 albums.

À l'aise dans tous les genres, il aborde le polar (Garrigue), la science fiction (Le Régulateur), l’aventure (Bob Morane), le thriller (Shadow Banking), l’anticipation (Metronom’), la jeunesse (Zélie) et l'heroïc fantasy (Weëna).

Le succès arrive en 1997 avec l'excellente série Le Chant des Stryges (Delcourt), dessiné par Richard Guérineau, un récit dense, complexe et tentaculaire qui jette une lumière inquiétante sur les origines de l'humanité en même temps qu'il pose les bases du renouveau du thriller fantastique en bande dessinée.

Inspiré par le vin, il est l'auteur de deux séries notables :

Châteaux Bordeaux (en cours, 11 tomes parus)

Suite au décès de leur père, les trois enfants Baudricourt héritent de l'exploitation vinicole familiale, un vaste domaine situé au coeur du Médoc. Les deux frères comptent se séparer rapidement de la propriété et des dettes dont elle est criblée. Mais Alexandra est déterminée à redorer le blason du château terni par le temps et la négligence...

Vinifera (12 tomes parus)

De l'Antiquité à nos jours, Vinifera retrace l'histoire passionnante de la vigne et du vin à travers une collection de bandes dessinées. Des amphores de Pompéi à la viticulture bio, les récits complets nous plongent dans les arcanes d'un savoir ancestral qui ne cesse d’évoluer.

 

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Propos publiés sur ce site avec l'aimable autorisation de Corbeyran

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