Peu d’endroits sur la planète peuvent se targuer d’élaborer du vin de glace. Depuis 200 ans, sur les pentes du Toit de l’Europe, la cave Coopérative du Mont-Blanc perpétue la tradition.
Vendanges de l’extrême
Chaque année, mi-décembre, une étonnante scène se joue à Morgex en Italie. À 5h du matin, éclairés de projecteurs, des vignerons chaudement vêtus vendangent manuellement du raisin un peu spécial. Le palissage bas des vignes en pergola les oblige à récolter à genoux ou couchés sur le dos.
Ces vendanges situées à 300 mètres d’altitude sont parmi les plus hautes d’Europe. La température flirte avec -10°C si bien que les grappes portent un joli chapeau de neige fraîchement tombée. Ces conditions particulières sont nécessaires pour produire du vin de glace.
Pour élaborer ce vin, le Prié blanc, seul cépage autochtone de la Vallée d'Aoste, demande à être récolté tardivement, en sur-maturité, De plus, il faut qu’il soit littéralement congelé sur le cep. Mais attention ! Si la température n'atteint pas -8°C, le raisin n’est pas assez gelé.
Si elle descend au-delà de -12°C, alors il le sera de trop !
“C’est une tradition qu’on doit maintenir. Nous ne sommes plus très nombreux à savoir travailler ce type de vignes”
Alcide V. vigneron à Morgex
Ce procédé unique n’est possible que dans peu d’endroits sur Terre et tous les millésimes ne s’y prêtent pas.
On l'appelle Eiswein dans certaines régions d’Allemagne (vallée du Rhin, de la Moselle et en Franconie), dans les vignobles du Main, d’Autriche (Burgenland), dans le canton du Valais en Suisse, en Slovénie, ainsi qu’en Alsace.
Son alter ego outre-atlantique se nomme icewine. Présent dans les États de Washington et de New York mais également au Canada, dans la vallée de l' Okanagan en Colombie-Britannique, il est principalement produit à partir du cépage vidal.
C'est d’ailleurs au Canada qu’est produit le premier vin de glace en 1973 par un immigrant d'origine allemande.
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La magie d'une fabrication hors-normes
Revenons à nos froides et nocturnes vendanges de Morgex. Le temps y est compté car quarante-cinq minutes après le début des vendanges, le raisin doit être rapidement apporté au chai avant que les fruits ne se réchauffent.
Immédiatement pressé, il donne un premier jus d’une couleur gris-vert peu appétente.
“Le raisin doit être gelé pour qu’une fois pressé, il ait une haute teneur en sucre”
Nicolas Bovard, président de la Cave Mont Blanc
Grâce à la rapidité des vendangeurs, la magie du vin de glace peut opérer.
Le grain étant complètement gelé, le sucre qu’il contient et les levures présentes sur la peau n’entrent pas immédiatement en contact. La fermentation alcoolique en est donc retardée. L’enchaînement précis de toutes ces étapes donnera un équilibre merveilleux entre le sucré et l’acidité.
Ensuite vient l’étape de l’élevage. Le vin est laissé pendant une année dans des petits fûts de chêne et en essences locales. Pour favoriser l’oxydation et ainsi rendre une plus grande complexité olfactive, les fûts ne sont pas remplis entièrement.
La couleur évoluera, passant d’un jaune-doré à ambrée avec une bonne garde.
La parenthèse masquée : "Le vin de glace"
Par Le Sommelier Masqué
Le fameux Vin de Glace, une bien belle découverte et à mettre un jour au menu d'une belle tablée ! Les vins de glace sont évidemment très concentrés et chargés en sucre, naturellement une grande partie de l'eau contenue dans les baies est restée bloquée dans les cristaux de glace : on utilise en effet la cryoextraction au pressoir pour recueillir le jus qui va faire le vin.
Le jus sucré ne gelant qu'à une température plus basse que l'eau, les cristaux de glace sont retenus dans le pressoir avec la pulpe. Du coup on a souvent un profil très liquoreux et sirupeux, voire même proche du miel. Ce sont sur ces styles d'arômes qu'on va retrouver ce genre de vins : le miel, les fruits très exotiques, la marmelade, les confitures...
À noter tout de même que sans acidité, un vin n'existe pas (on aurait l'impression de boire du sirop) et, en réalité, ces vins sont souvent très acides pour compenser les grosses doses de sucre dans la bouteille. Du coup, souvent, les cépages acides comme le Riesling (France, Allemagne) ou le Grüner Veltliner (Autriche) se prêtent bien à cet exercice.
Des vins à goûter une fois dans sa vie, avec des desserts sucrés aux fruits (une bonne tarte aux mirabelles) ou des fromages à pâte persillée.
www.cavemontblanc.com
Ce qui est rare est cher
Conditionné dans de fines et élégantes bouteilles de 37,5 à 50cl, le prix du vin de glace oscille généralement entre une trentaine d’euros à parfois plusieurs centaines.
Pourquoi n’est-il produit qu’en de si petites quantités ?
Tout d’abord, les raisins se dessèchent et flétrissent sur le pied de vigne en hiver engendrant un faible rendement. Ensuite, seule la partie non glacée du grain est vinifiée. Une perte de rendement est à noter ici encore.
Parfois, les conditions de récolte réunies que tous les 2 ou 3 ans, raréfient encore la production.
Autre facteur jouant sur le prix, nous l’avons vu, la vendange demande des pratiques humaines coûteuses.
Finalement, le ratio prix / litre est multiplié par au moins 10 par rapport à une bouteille “normale”. Chaque année à Morgex 3000 bouteilles de vin de glace sont produites et consommées en Italie pour 80%. Le reste est partagé entre France et Suisse.
Spécificités du vignoble
La culture de la vigne, sur ce dernier tronçon de la vallée d’Aoste, remonterait au temps des Romains.
Ici, le phylloxéra, cet insecte venu des Etats-Unis causant la destruction de la plupart des vignobles d’Europe à la fin du XIXème siècle, n’a pas résisté à l’altitude. Si bien que les vignes sont plantées en franc de pied.
À lire aussi : la parenthèse masquée "Les vins issus de vignes franches de pied"
Sources
www.Wikipedia.fr
www.transandine.fr
www.francetvinfo.fr
www.cavemontblanc.com
