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Jean-Charles Lassalle : Artisan Bouchonnier, liégeur par nature

Les Égyptiens s’en servaient déjà pour l’obturation des amphores; il créé de nos jours une micro-oxygénation dans les bouteilles pour le bon vieillissement du vin, c'est dire son importance. Savons-nous vraiment comment il est fabriqué ? D'où vient ce petit morceau de liège ?
Jean-Charles Lassalle, fondateur de Aliécor entreprise familiale de quatre employés artisans et passionnés, nous en dit davantage.

Pourriez-vous nous parler de votre parcours ?

Mon premier emploi a été dans une usine historique de bouchons (1882) à Soustons - Landes (40) - en tant que gestionnaire-comptable pour remplacer un départ à la retraite et mettre en place l’informatique. Je suis tombé « amoureux » de cette matière et de ce métier, et j’ai pu apprendre et évoluer jusqu’à la direction de l’usine.
En 2000, la direction d’une autre entité historique (1887) spécialisée dans le liège m’est confiée. Puis en 2003 grâce à mon expérience, je décide de créer mon entreprise dans le secteur du liège.

Le liège est récolté sur un arbre particulier. Pourriez-vous nous en donner les caractéristiques ?

Chêne-Liège (Quercus Suber)Le liège est issu du Chêne-Liège (Quercus Suber). Il se trouve sur le pourtour méditerranéen (Péninsule Ibérique, Afrique du Nord, Sardaigne, Corse), et en France dans le Sud Est (Var – PO) et le Sud-Ouest (Gascogne). La première récolte est réalisée lorsque l’arbre a +/- 30 ans, et ce liège n’est pas destiné à la bouchonnerie mais à d’autres utilisations. Les récoltes se font ensuite tous les +/- 10 ans suivant les climats. Un bouchon est généralement issu d’un arbre qui a 50 ans.

Les caractéristiques les plus connues : Elasticité - Compressibilité – Souplesse - Légèreté - « flottabilité » - Adhérence - Imperméabilité – Etanchéité -  Imputrescibilité – Durabilité - Faible conductivité phonique et thermique - Mauvaise combustibilité

Quelles étapes sont nécessaires pour arriver au produit final ?

Jean-Charles Lassalle : Artisan Bouchonnier Liegeur par naturePour les bouchons liège naturel mono-pièces : après la levée, stockage du liège (généralement 1 an – 4 saisons pour stabilisation et maturation) puis triage des planches, bouillage pour assouplissement et expansion de la matière, stabilisation, tirage en bandes et tubage des bouchons, rognage et ponçage pour finaliser le dimensionnel, lavage désinfectant, triage des bouchons en choix visuels avec élimination des défauts, marquage pour personnalisation et traçabilité, traitement de surface pour faciliter le bouchage et le débouchage et améliorer l’étanchéité, et conditionnement pour expédition.
De nombreux contrôles sont faits durant et en fin de processus pour garantir la qualité du produit.

Votre travail est d’une grande importance pour la conservation des vins. Quel rôle a le bouchon pour la pérennité / garde des vins ?  Votre entreprise, Aliecor, propose aux vignerons différents types de bouchons. Quelles sont leurs différences?

Chaque type de vin a son obturateur liège.
Il est évident que l’on ne bouche pas de la même manière un vin qui sera consommé dans l’année, et un vin qui va nécessiter des années de garde. Il existe des bouchons techniques (basés sur l’agglomération de particules nobles de liège) qui sont plus étanches et parfaits pour des vins à boire jeunes ou sur le fruit, mais également des bouchons traditionnels qui répondent aux différents besoins en fonction des triages de choix visuels (de ce fait de la porosité et donc d’une graduation de conservation) .
Le rôle de conseil du bouchonnier liégeur est donc très important.

Le liège peut-il communiquer un goût au vin (autre que le défaut) et une question qu’il serait impossible de ne pas poser ici : d’où vient le fameux goût de bouchon ?

Voilà tout un poème !
Qui n’a pas assisté à un repas où, lorsqu’on a débouché une bouteille, une personne bien intentionnée estime le vin bouchonné.
Sacrilège des sacrilèges !

Mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit souvent que ce goût de bouchon estimé par ce convive est en fait autre chose. Alors quoi, direz-vous ? Tout d’abord, disons un goût, simplement. Car tout est affaire de goût, et vous connaissez bien les affaires de goûts et de couleurs … En fait, ce qu’une personne va estimer d’une certaine manière, une autre l’appréciera d’une autre. Attention, car s’il peut y avoir des problèmes individuels d’appréciation, je ne prétends pas dire que le goût donné au vin par un bouchon n’existe pas.
Le vrai goût de bouchon est rare mais réel, et dans ce cas, le vin est à jeter. Il est généralement attribué à un défaut de liège nommé tache jaune. Ce défaut est détecté lors du triage du liège, et on le trouve plus particulièrement sur le liège de pied (bas de l’arbre en contact avec le sol). Les bouchonniers avisés savent écarter ce liège défectueux, cependant même avec une vigilance extrême, quelques bouchons peuvent passer à travers les mailles.

Le goût de moisi c’est le plus courant, mais personne ne l’explique avec des mots simples. Il provient d’une altération par des moisissures, de molécules inodores (les polychlorophénols) contenues dans le vin, dans le bouchon, ou dans le chai, qui se transforment en composés odorants (les polychloroanisoles). C’est donc une affaire chimique, dont toutes les causes réelles ne sont pas encore bien maîtrisées car les combinaisons sont nombreuses. Cependant, les techniques modernes permettent d’identifier le coupable initiateur (vin, liège ou atmosphère de chai). Pour lutter contre ce fléau, chez les bouchonniers, comme dans les chais ou caves, le chlore a été proscrit dans les lavages de bouchons, les lavages de cuves et autres appareils de travail d’élevage, mais aussi dans les produits de traitement des bois (charpentes, palettes …). Mais la nature (vigne, liège) et la chimie se combinant, il reste encore bien des progrès à faire pour éradiquer ce problème.

Les autres goûts avérés : nombreux à énumérer car ils sont souvent dus à des erreurs humaines, une hygiène approximative, des choix économiques, ou des non-respects par rapport à la nature. Ici, tous les intervenants peuvent être en cause : le bouchonnier, le vinificateur, l’œnologue, l’embouteilleur, mais aussi tous les fournisseurs de la filière (produits phytosanitaires, emballages, …).
En conclusion, il vaut mieux parler de déviations ou de goûts tout simplement, car si le bouchon n’est pas toujours exempt, il a souvent bon dos.

D’autres types de bouchons existent (capsules à vis, synthétique, verre), ne sont-ils destinés qu’à des vins de bon marché? Quels sont les principales différences avec le liège Ce dernier reste et restera t-il le meilleur obturateur des bouteilles de vin ?

Le liège sert depuis déjà quelques décennies au bouchage des vins et autres liquides. C'est d'abord un produit naturel et un bouchon de liège fixe environ 8 g de CO²(2 fois son poids). La profession des bouchonniers-liégeurs travaille pour améliorer constamment le niveau qualitatif de ses produits
Les autres produits de bouchage sont des produits industriels et leur empreinte carbone est à vérifier au cas par cas.  Ils semblent plus adaptés pour des vins à rotation rapide, des vins jeunes, … et sans connotation de qualité ou de bon marché parce que certains vins sont ainsi réalisés.

Il n’y a pas de bons ou mauvais obturateur. C’est un choix à faire en fonction du type de vin, de son marché, de sa finalité, de ses convictions, …..
 Par contre, il reste aujourd’hui évident que le liège continuera d’accompagner les vins de garde.

Il semble qu'outre la matière; la longueur et le diamètre du bouchon diffèrent selon le besoin de garde d'un vin? Pourriez-vous m'en dire plus ? (Question de Sophie B.)

Le dimensionnel du bouchon doit être adapté au col de la bouteille.
Généralement, les bouteilles de 75cl pour le vin ont des cols standardisés norme CETIE. Ces bouteilles ont un col de 18,5 mm de base et le bouchon liège (cylindrique) est standardisé à 24 mm.

Pour les bouchons standards en diamètre 24 mm, il existe des longueurs standards 38 – 45 – 49 – 54 mm. Les plus utilisées en fonction des bouteilles et de leurs centilisations (Mention obligatoire sur l'étiquette d'un vin indiquant la mesure d'un contenant en centilitre ou en millilitre. ndlr ) sont 45 et 49 mm. 
La hauteur du bouchon amène un côté prestige : il est évident que déboucher 38 mm ou 54 mm n’a pas le même effet sur le consommateur-amateur.

En conclusion, ce n’est pas spécifiquement le dimensionnel du bouchon qui jouera sur la garde du vin, mais plutôt la bonne adéquation bouteille/dimension bouchon.

Que faire des bouchons usagés, sont ils recyclables et si oui à quoi peuvent il servir une fois recyclés ?

Le bouchon liège est recyclage. Il est réduit en granulés pour ensuite servir pour des produits pour le bâtiment comme des sous-couches de parquets ou de l’affichage. Par contre, il ne sera plus utilisé comme obturateur à contact alimentaire. Ce recyclage se fait via des associations à but humanitaire.
Liste sur le site : https://www.leliegegascon.org/recycliege

Existe t-il un modèle de tire-bouchon qui soit le plus adapté à tous les débouchages ?

Aussi bizarre que cela paraisse, il existe une norme iso pour les vrilles de tire bouchons : NFD27-305 Décembre 1983 - Mèches hélicoïdales pour tire-bouchons - Caractéristiques - Contrôle et essais.
Il est évident qu’une vrille trop grosse ou trop fine peut casser le bouchon lors de l’extraction. C’est souvent ce qui se passe et le mauvais bouchon est alors accusé.

Question récurrente sur Spiritus Vinum : quel est votre meilleur souvenir de dégustation de vin ? Le pire (ou le moins bon…) ?

Il y en a beaucoup de bons car j’ai de bons clients et je ne veux pas en mettre un plus en avant que d’autres. Pour répondre, je vous raconte une anecdote : en cheminant sur les chemins de St Jacques, un Russe m’a demandé quel était pour moi le meilleur vin et je lui ai répondu que le meilleur vin est celui que l’on partage.

 

Merci Monsieur Jean-Charles Lassalle, nous espérons ne pas avoir poussé le bouchon trop loin avec toutes ces questions,  nous vous remercions d’avoir accepté d'y répondre !

www.aliecor.com

Facebook : www.facebook.com/ALIECOR.ALM/

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Propos et photos publiés sur ce site avec l'aimable autorisation de Monsieur Jean-Charles LASSALLE


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