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Petit lexique des bruits de la dégustation - Photo © flickr_roo

Lorsqu'on déguste un vin, la vue, l’odorat et le goût sont mobilisés. Mais l’ouïe est la grande oubliée alors qu’elle offre de belles et mélodieuses sonorités. Du grumage au piapiatage, en passant par le trinquage et le crachage, devenez un fin connaisseur, que dis-je, un virtuose des sonorités organoleptiques, un aspect souvent négligé (peut-être à juste titre …) de la dégustation.

Notez bien : pour profiter pleinement de l'expérience de lecture immersive proposée, les [bruitages entre crochets] doivent être prononcés pendant leur lecture. Prévoir un mouchoir pour nettoyer votre écran en fin d'article.

Crachage

Il est vivement conseillé d’utiliser un crachoir quand on déguste car comme beaucoup le disent : déguster c’est cracher. Oui, mais comment s’y prendre ?
Là encore il y a deux écoles : le crachage élégant (si, ces deux mots peuvent être utilisés ensemble) et le disgracieux.

Dans le premier, un fin filet sort de la bouche en cul de poule du dégustateur. Ce fil de vin précis dessine une parabole dans les airs et tombe gracieusement au centre du réceptacle. On n’est pas loin d’une performance acrobatique. [Fhhissssssss]

Le second, un peu plus dispersé, regroupe tous les autres sons. les [Pwahhh], les [bleubleubleu] et autres [Pouite-pouite-pouite].
Dans certains cas, il obtient la palme du son le moins mélodieux de la dégustation.

Notez bien : ne pas avoir peur du ridicule…

Débouchage

Une condition à respecter pour avoir la chance d'entendre ce claquement si typique : la bouteille se doit d'être débouchée avec le fameux tire-bouchon à l’ancienne. Celui qui traine dans le tiroir de votre cuisine. Celui affublé d’une mèche en queue de cochon fichée dans un morceau de bois qui fait office de poignée. Celui que vous avez délaissé au profit du sommelier plus classieux…

Vous le voyez ce tire-bouchon ?
Une fois le celui-ci vissé dans le liège du bouchon, tirez, tirez jusqu’au [fouiikk-TUIK].

Notez bien : la puissance de ce son est proportionnelle à la force employée.

Glougloutage

Les vins dits “glouglou” - terme atrocement épouvantable s’il en est - sont légers, simples et faciles à boire.
Mais le glougloutage désigne surtout la douce mélodie caractéristique du vin qui sort de sa bouteille. Ce sympathique son si spécifique fait saliver par sa sonorité et renforce l'appétence. Il donne quelque chose comme [deub-deub-deub-deub].

Notez bien : plus le vin coule de la bouteille, plus la fréquence des [deub] augmente. On peut donc parfois se retrouver avec la séquence [deub-deub-deub-deubdeubeubeubeu-bbbbb].

Grumage

Le bruit le plus mystérieux de la dégustation ! On peut aussi l’appeler le “tu fais un bruit bizarre avec ta bouche”. Mais son nom scientifique est bien le grumage et nécessite une technique bien rodée.

Ce gargouillis est pris par les non-initiés pour une offense aux règles de bienséance et savoir-vivre. “Beurk” pensent-ils. Alors que pas du tout !
Sachez que les autres - les initiés - iront même jusqu’à apprécier le bruit du grumage d’un autre dégustateur. Son spectre sonore discrètement analysé ils lui diront :
- Mon cher, je trouve votre grumage hyper réussi ! Le son est net, précis, bien aspiré. Vous devez être connaisseur…
- Merci, le vôtre n’est pas mal non plus, rétorquera le premier.
On identifie facilement sa sonorité par le bruit d’aspiration suivi du crépitement humide qui le caractérise, [Fhhhfuiiiiflfflflflflf].

Notez bien : Deux choses l’une : soit le grumage est réalisé dans les règles de l’art et peut donner des indications précises sur les arômes, soit la technique est à améliorer. Dans le second cas, le vin passe par le nez, fait s’étouffer et peut, dans les cas les plus graves, engendrer une noyade. Mais cela reste encore très rare.

Re-Notez bien : comme le précise Richard Pfister, (ingénieur en œnologie et viticulture, également parfumeur,) la différence entre arômes et odeur est claire : l'odeur se sent par olfaction directe alors que l'arôme est perçu en, bouche, par rétro olfaction. Dans le cas du grumage, ce sont bien les arômes qu'on perçoit.

À lire aussi : Interview de Richard Pfister : les parfums du vin

Humage (ou flairage)

Quelle est la différence entre un mauvais et un bon humage ? Le mauvais, on approche son nez du verre et on hume. Le bon, on approche son nez du verre et on hume, mais c’est un bon humage…

Dans le premier, le mauvais donc, on retrousse ses narines tel un prédateur et on inspire par le nez deux ou trois fois nerveuses et rapides [snif snif (snif)].
Dans le second, plus protocolaire et davantage lié à l’exercice de la dégustation, le nez est littéralement plongé dans le verre et les inspirations plus amples, plus profondes.
Les notes aromatiques et le bouquet sont décelables plus facilement. [sfiiiffffhhhhhumm].

Notez bien : La longueur du [Huum] final est généralement liée à la qualité du vin : plus le [Huum] est allongé, meilleur est le vin. Cela reste somme toute assez subjectif…

Re-Notez bien : Attention ! Lorsque vous plongez votre nez dans le verre pour humer, prenez bien soin de ne pas le plonger dans le vin. Le humage se transformera sinon en noyade (Cf le grumage).

Piapiatage

Quand on a du mal à grumer (voir ci-dessus), on le remplace par un piapiatage. C’est ce même piapiatage lorsqu’on évalue si un met est trop salé ou non.
Une petite gorgée de vin et hop un bon [ptiapiapia] en collant et décollant la langue du palais. “Hum il est bon ton vin, il n'est pas trop salé”

Notez bien : Le piapiatage peut aider, dans certains cas, à juger de la présence et la quantité de tanins dans un vin rouge. Plus la langue accroche le palais pendant l’opération, plus les tanins sont présents.

Trinquage

Que ce soit “dans les yeux” ou “ha attention, on ne croise pas, ça porte malheur", la sonorité du trinquage est généralement liée aux festivités ou aux célébrations d'événements particuliers. En fonction de la composition du verre, le bruit diffère.

Si vous entendez un classieux [ding], il est fort à parier que votre verre soit en cristal. Si c’est un [bim], plus mat et roturier, ce bruit creux indique que votre dégustation se fait dans un verre à moutarde. N’ayez pas honte, on l’a tous fait.

Notez bien : si dans un entrain festif le geste est exagéré, ce bruit peut se transformer de façon catastrophique en sonorité de verre cassé suivi invariablement par une mélodie d’éclaboussure.

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