Si tous les chemins mènent à Rome, on peut penser que celui de sommelier ou chef-sommelier se doit d'être classique et conventionnel. Or, rien, a priori, ne prédestinait Médérick Trémaud à atteindre ce but (le but de devenir Chef-Sommelier, et non pas d'être classique et conventionnel...).
Un parcours atypique, jonché de rencontres déterminantes, jumelé d’une passion débordante, tels ont été les ingrédients de son chemin. Entre autres références, il affûte ses armes à Paris au restaurant RECH (une Étoile Michelin, Groupe Ducasse) et pour parfaire son anglais technique part en Angleterre où finalement il décide de rester.
Comme Médérick Trémaud aime parfois avoir une communication décalée et décomplexée, il met en scène ses découvertes viti-vinicoles avec Denis son colocataire rhinocéros. Si, si, vous avez bien lu...
À découvrir sur Instagram
Voici une interview riche en renseignements et enseignements, qu'il s'agisse des différences de pratiques entre France et Angleterre; des diplômes tels le WSET ou le Master Sommelier; ou encore sur la région viticole du Beaujolais, et j'en passe.
Vous pouvez la lire en dégustant un verre de... d'ailleurs Monsieur Trémaud, en référence à votre livre, si "je lis votre interview, quel vin boire ?"...
Bonjour Médérick Trémaud et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Pour commencer pourriez-vous nous parler de votre parcours ?
Bonjour. Merci de m’avoir proposé cette interview. C’est toujours un plaisir de mettre en avant le métier de sommelier et plus largement les vins et les vignerons qui en constituent la base.
Je dirais que j’ai un parcours à la fois peu orthodoxe et assez classique. Peu orthodoxe car je suis venu au métier de sommelier sur le tard, j’avais 37 ans. Cela s’est fait dans le cadre d’une reconversion professionnelle. Enfant, l’idée de devenir serveur m’était plus attirante que de devenir pompier, cosmonaute ou policier. Dès que mes parents recevaient du monde à la maison, je prenais un plaisir non dissimulé à servir nos convives et à « jouer » au serveur. Une naissance à Lyon, ville de gastronomie s’il en est et une mère et une grand-mère toute deux bonnes cuisinières peuvent peut-être, être une explication à cet intérêt.
Pour autant, malgré le fait que mes parents m’aient toujours laissés libre dans mes choix de parcours, je décide de faire des études d’économie à la Fac pendant 5 ans. J’en ai été très heureux. J’ai débuté ma vie professionnelle dans des cabinets de conseils et n’en ai pas été moins heureux.
Parallèlement, je gardais au fond de moi de façon plus ou moins consciente et exprimée l’idée de travailler un jour dans cet univers. En grandissant, j’ai commencé petit à petit ma découverte des vins. J’y pris goût.
Puis à 37 ans, je me suis senti prêt, à maturité pour prendre ma décision de reconversion. C’était maintenant ou jamais. Après il aurait été trop tard, trop vieux…
Aimant bien faire les choses dans le bon ordre et avec respect, je me suis mis en quête d’une formation. Mais c’est difficile en France. Il n’existe pas véritablement de formation de Sommelier pour une personne de 37 ans ayant déjà un parcours professionnel dans un autre secteur d’activité. Je dû faire face à beaucoup d’interrogations de circonspection voir parfois de dissuasion de la part d’interlocuteurs bien-pensants. Les formations de sommellerie se font dans le cadre de cursus au sein d’écoles hôtelières mais…pour des jeunes de 16/18 ans et dans le cadre de premiers cursus. Mon profile ne rentrait donc pas dans les cases !
Je trouve par hasard sur internet une formation dispensée par l’école Le Cordon Bleu pour se former aux métiers du vin. Cela se fait en un an. C’est une formation onéreuse mais j’ai la chance à ce moment-là d’avoir des économies personnelles qui me permettent de la financer.
C’est là que la dimension « classique » de mon parcours prend corps. En un an, je reçois une instruction dense et intense, de très grande qualité (comme on peut l’avoir dans le cadre de mention complémentaire sommellerie des écoles hôtelières) et j’ai la chance de rencontrer de grand professionnels. Ce fut une année vraiment enrichissante.
Comment se passent les journées type d’un sommelier ou d’un chef sommelier, quelles doivent être les qualités et compétences pour occuper ces postes ?
Il y a tout ce qui concerne la gestion de la cave, son rangement, son organisation. Ajouté à cela la réception et le contrôle des livraisons. Il y a aussi la bonne tenue de la carte des vins et les modifications éventuelles à lui apporter. Il y a également la mise en place du service pour les convives, la verrerie… Le service en lui-même évidemment, le réassort des frigos après le service. Et puis les tastings qui sont toujours une partie intéressante et enrichissante.
Tout ceci est plus ou moins important dans votre quotidien selon que vous soyez Commis Sommelier, Sommelier, Chef Sommelier, selon le style de votre établissement, gastro, étoilé, la taille de votre établissement et de l’équipe de sommeliers.
Je dirais que la différence entre un Sommelier et un Chef Sommelier, outre le service en salle, ce dernier a aussi en charge, l’élaboration de la carte des vins, la relation avec les fournisseurs, l’animation et la gestion de l’équipe de sommeliers, la relation avec la direction du restaurant, la cuisine et la mise en œuvre des objectifs de vente.
Car c’est justement là un des aspects du métier de sommelier / chef sommelier qu’il ne faut pas évacuer. Un bon sommelier doit être aussi un bon vendeur. Bien évidemment, il faut aussi avoir des connaissances théoriques, une capacité à pouvoir « goûter » et comprendre le vin au-delà de ses gouts personnels et une aptitude à communiquer avec les clients, à se trouver en phase avec eux.
Ce n’est pas simple du tout de maîtriser tous ces aspects. Vous pouvez par exemple avoir une très grande connaissance théorique mais être moins performant dans la vente ou communication avec la clientèle. Vous pouvez au contraire être un très bon vendeur, avoir un très bon relationnel mais pas avoir la plus grande des connaissances livresques. Vous pouvez savoir tout sur tout sur un plan théorique mais ne pas être le plus doué des dégustateurs.
Ce sont là je pense rappelées les compétences d’un bon sommelier. En ce qui concerne les qualités, je dirais : l’humilité, la curiosité, la communication.
Fort de votre expérience de chef sommelier en France et actuellement dans un hôtel anglais, votre approche du métier ainsi que le rapport à la clientèle sont-ils différents entre les deux pays?
Oui et non.
Disons que les fondamentaux du métiers restent les mêmes, que vous soyez en France ou en Angleterre. Je veux dire par là, conseiller, et servir un vin pour maximiser le plaisir du client reste l'identique objectif. Faire du business est aussi un objectif commun quel que soit le pays où vous exercez.
Les moyens de parvenir à ces objectifs en revanche peuvent changer quelque peu.
En Angleterre, en tant que 1/ Français et 2/ Sommelier vous partez avec un capital sympathie et crédibilité qui est relativement conséquent. C'est plutôt agréable disons le. Pour autant, il ne faudrait pas croire que l'exigence anglaise ne soit pas présente. Elle l'est et ô combien.
Je dirais que c'est le rapport global des anglais au restaurant, à la restauration, au repas, à l'industrie de l'hospitalité en générale qui est totalement différent. C'est tout de même moins implanté dans leur culture que cela ne l'est dans la nôtre. Ils n'ont pas de système d'école hôtelière comme on peut l'avoir en France; même si cela est en train de changer. Globalement disons que pour eux, les métiers de salle restent des "petits" métiers que l'on fait pour gagner quelques sous et pas de vrais métiers à temps pleins ; sorte de jobs d'été améliorés.
En France, même si il y a des tensions dans la filière, la chose n'est cependant pas la même.
Néanmoins, rappelons qu'il existe une culture profonde du vin en Angleterre. Elle n'est cependant pas diffusée dans toute la population comme c'est le cas en France.
D'abord, souvenons nous que durant la période Romaine, le vignoble anglais était plus grand que ce qu'il n'est aujourd'hui. Après le temps a fait son œuvre et il a décliné. Il a été aidé en cela par des maladies.
De plus, nombreux vin / vignobles existent grâce aux Anglais ou en partie. Le Champagne, le Porto, la région Bordelaise doivent beaucoup aux Anglais ou à la guerre entre la France et l'Angleterre.
Pour autant, même si les Anglais sont depuis longtemps de grands amateurs de vins, cela s'adressait historiquement à une catégorie aisée de la population. Dans les clubs privés de l'aristocratie on buvait du vin...et du bon. Mais dans les tavernes, que buvait le "peuple"? Pas de vin, ou très très peu.
Cela explique je pense pour partie, qu'en Angleterre on considère le vin comme une boisson à l'égale d'une autre. C'est à dire il n'est pas étonnant pour un Anglais de boire en même temps une bière, un cocktail, un gin tonic et un verre de vin.
En France, tout le monde buvait du vin, des paysans jusqu'à la Noblesse, même s'ils ne buvaient pas le même évidemment. Par conséquent on voit bien que le vin a une position à part dans notre culture.
Notez d'ailleurs que vous voyez assez peu de sommeliers anglais. Dans les concours Nationaux ou Internationaux, où sont les Anglais ? Qui représente l'Angleterre dans les concours internationaux...des Français la plupart du temps.
L'Angleterre reste un pays intéressant pour les sommeliers français en ce sens. C'est aussi un pays où tant de vins internationaux sont à disposition. Donc c'est génial si vous êtes curieux et que vous souhaitez voyager, découvrir, apprendre. Pour autant, je pense que la France commence à s'ouvrir un peu tout de même; mais il reste du travail.
Donc oui le rapport à la clientèle est différents, vous n'allez pas jouer exactement sur les mêmes ressorts, ou du moins pas de la même façons. Les attentes de la clientèle peuvent s'exprimer différemment. Bien évidemment tout cela est à mettre en regard avec le style de votre établissement, son lieu (Londres est différent de la province).
Servir des anglais est intéressant, enrichissant mais très exigeant, n'en doutons pas une seconde. Ils n'hésitent absolument pas à se plaindre, d'une certaine façon bien plus qu'en France.
J'ai découvert qu'il y avait une différence fondamentale dans l'approche des métiers de bouche entre l'Angleterre (le monde anglo-saxon en général) et la France. Sans doute cette différence se retrouve t'elle dans d'autres secteurs d'activité.
En France, vous suivez une formation initiale, un cursus scolaire puis vous intégrer une entreprise pour un stage, un apprentissage, et un emploi. Vous commencez alors au bas de l'échelle et avec beaucoup, beaucoup beaucoup de temps, vous pouvez escompter grimper les échelons petit à petit.
Vous avez donc un cadre et les gens doivent rentrer dans ce cadre.
Le côté positif c'est que les jeunes qui arrivent en restaurant ont déjà un bagage et une expérience. Ils sont assez vite professionnels.
Le côté négatif c'est que si vous ne rentrez pas dans le cadre, c'est très difficile d'évoluer. La formation, le diplôme, l'école est TOUT ! Par ailleurs il faut beaucoup de temps avant de pouvoir évoluer et gravir les échelons. On ne vous fait pas confiance facilement.
En Angleterre je dirais que c'est tout l'inverse. Pas ou peu de formation initiale. Pas ou peu de cursus, pas ou peu de cadre. Du coup vous pouvez beaucoup plus facilement et beaucoup plus rapidement arriver à rentrer dans ce secteur. Par ailleurs, on vous fera plus facilement confiance. Votre apprentissage se fera sur le tas et votre progression sera plus rapide. Il est plus facile de progresser en responsabilité en Angleterre. Vous pouvez être restaurant Manager a 23 ans par exemple sans expériences probantes...
Le côté négatif c'est que l'on se retrouve parfois avec un staff qui n'est pas aussi professionnel que ce qu'il est en France.
Que pensez-vous des formations certifiantes, diplômantes et des concours pour espérer travailler dans le milieu du vin ?
J’en pense que du bien ma foi. Plus on donne la possibilité à des gens qui le souhaitent d’avoir accès à l’univers des vins, mieux c’est.
Les concours, c’est autre chose. Il faut avoir un état d’esprit spécifique pour ça. Il faut vraiment le vouloir et être capable de s’y investir à fond. Ce n’est pas donné à tout le monde. J’en suis personnellement incapable.
Comme je l'ai déjà dit, malgré une culture du vin présente en Angleterre, ce n'est pas chose aisée de trouver des sommeliers Anglais.
Ils n'ont pas de mentions complémentaires sommellerie comme nous pouvons l'avoir dans nos écoles hôtelières.
Pour autant ils ont deux grands cursus de formation sur l'univers du vin qui sont internationalement reconnus, notamment dans le monde Anglo-Saxon, mais pas que.
Le premier est le WSET (wine and spirit education trust). Le second est : Court of Master Sommeliers.
L'étape ultime du premier sera d'être Master of wine. L'étape ultime du second sera d'être Master Sommelier. Deux distinctions internationalement reconnues et ô combien difficile d'accéder.
Les deux peuvent être complémentaires et selon moi ne répondent pas exactement aux même objectif.
Revenons d'abord sur le WSET. Disons les choses franchement et clairement. En Angleterre, sous prétexte que vous avez votre WSET 3, vous pouvez être considéré comme sommelier. C'est pour moi une vaste blague (du moins si on veut bien se donner la peine 5 min de réfléchir à ce qu'est ou devrait être un sommelier).
Pardon mais le WSET 3 ne vous apprends pas de techniques de service en salle par exemple. Par ailleurs l'approche pour la dégustation est intéressante mais pas suffisante selon moi pour être un bon dégustateur. Donc vous pouvez avoir votre WSET 3 et goûter comme une merde. Cela dit, vous pouvez être sommelier et goûter comme une merde aussi il est vrai. Mais tout de même, l'enseignement que vous avez reçu en école hôtelière est conséquent et soutenu.
Pour autant, le WSET 3 propose une vraie approche globale des vins et vignobles du monde. En cela c'est très intéressant et enrichissant.
Le niveau 4 du WSET (Diploma) est beaucoup plus consistant. Un gros accent est mis sur la viticulture, vinification par exemple mais toujours pas d'accent sur le service en salle ou des techniques de service.
Globalement, disons que le WSET est souvent recherché par les personnes qui souhaitent travailler dans le business du vin et pas forcément en tant que sommelier.
A contrario, les Cours du Master Sommeliers s'adressent eux à des personnes qui sont déjà sommeliers et qui souhaitent se perfectionner dans leur métier. C 'est très bien fait, encadré par des professionnels rigoureux, passionnés. Un véritable moment d'échange et de remise en question.
Je pense que les deux approches sont complémentaires et présentent leur intérêt, même si en terme pure de sommellerie, les cours du Master me semblent plus adaptés. Mais bon après c'est un choix personnel parfaitement respectable dans tous les cas. Vous l'aurez compris, j'ai fait le mien....
Quel sommelier a le plus marqué votre carrière ? Pourquoi ?
Je pense que comme tout sommelier, j’ai été marqué par un professeur, présentement Franck Ramage, Directeur du département vin au Cordon Bleu.
J’ajouterai une seconde personne, Pierre VILA PALLEJA, gérant du restaurant Le Petit Sommelier à Paris (adresse que je recommande grandement). J’y ai fait mon stage de sommellerie.
Tous deux, au-delà d’être reconnus unanimement comme de très grand professionnels, sont sur le plan humains (je les connais un peu) des gens biens. Et cela compte beaucoup aussi. Vous pouvez être super bon dans votre boulot mais être un gros con à côté de cela. Eux non, ils sont juste des gens super biens.
Ils m’ont fait confiance, m’ont appris mon métier, m’ont épaulé et ont répondus présent quand j’en avais besoin. Ils m’ont tous deux aussi montré la voie du travail bien fait, de l’engagement, de l’humilité et de la générosité.
Nous sommes certains que vous avez quelques anecdotes truculentes dans votre escarcelle, tant concernant la clientèle que les professionnels…
Si ce n’est pas déjà fait, j’imagine que chaque sommelier pourrait écrire des livres entiers sur des anecdotes qui lui sont arrivées. Les Anglais (s’il fait sens de globaliser un peu) sont assez forts pour ça.
Je ne compte pas les personnes qui par exemple n’aiment pas le Chardonnay mais qui me commandent un Chablis.
Ou alors d’autres qui sont allergiques à la Syrah mais qui adorent l’Hermitage. C’est juste un exemple, ça marche avec tous les cépages.
Ce n’est pas forcément lié au vin mais récemment j’ai un client qui m’appelle du regard. Je m’approche et le Monsieur d’une cinquantaine d’année m’explique qu’il n’est pas à l’aise avec sa sole et qu’il n’ose pas la retourner dans son assiette pour en finir la dégustation de peur d’éclabousser son épouse avec la sauce du plat.
J’ai d’abord cru à une incompréhension de ma part puis à du foutage de gueule de sa part. Mais non, rien de tout ça, le type était très sérieux.
Parallèlement à votre profession, vous avez écrit un livre intitulé « Quand je pense à Fernande, quel vin boire ? » où vous proposez des cuvées à déboucher en fonction de l'occasion évoquée. Auriez-vous quelques passages choisis à nous révéler ?
Bah le titre n’est pas éloquent de clarté ? Franchement, la thématique de chacune des brèves fait sens non ? « Un pigeon me chie dessus, quel vin boire ? Desproges est toujours vivant, quel vin boire ? Vigueur retrouvée pour le magazine Lui, quel vin boire ? Ce dimanche je dois monter un meuble Ikea, quel vin boire ? Mon banquier et mon garagiste sont des honnêtes hommes, quel vin boire ? Ma femme me trompe avec Alzheimer, quel vin boire ? Miles à la trompette, quel vin boire ? Charlie Hamed Ben Cohen Levy est mon nouveau voisin, quel vin boire ?
Étant originaire de Lyon, quel est votre point de vue sur la région viticole du beaujolais ?
Il s’agit d’une région très intéressante au riche passé et à l’avenir prometteur. Historiquement, le Beaujolais, je parle de la région, a toujours été très indépendante, en rébellion par rapport au royaume de France. C’était très net au moyen âge. Dans une période plus contemporaine, Lyon était au cœur de la France libre et incarnait la résistance. Les Allemands étaient alors concentrés sur les grands noms de Bourgogne et de Bordeaux. Ils délaissaient ce Gamay de bas étage qui n’aurait en aucune manière pu faire écho à la grandeur du Reich.
Du coup, les parisiens qui avaient la possibilité de venir souffler un peu dans la ville de Lyon pour échapper à l’occupation autant que faire se pouvait, trouvaient dans ce vin simple, gouleyant, de copains diront nous, un support facile et bon marché à leur évasion. Les Gamays du beaujolais, incarnaient ça. C’était de la liberté en bouteille.
Par la suite, il y eu le Beaujolais nouveau. C’est juste du marketing, du business. Il y a eu des abus par le passé concernant la qualité je trouve. Mais depuis quelques années, on arrive à trouver des Beaujolais nouveaux de qualité acceptable.
Par ailleurs, la région est en train de connaître un second souffle depuis une dizaine, quinzaine d’années. De jeunes vignerons viennent s’installer, reprennent des domaines et proposent des vins superbes, à (re)découvrir pour des prix raisonnables. Ces jeunes vignerons remettent au goût du jour les fameux "Crus " du Beaujolais. Rien que de les évoquer, j'en déjà soif...
Quel est pour vous un accord mets-vin réussi ? Auriez-vous quelques exemples (qu’ils soient classiques ou plus atypiques) ?
La fameuse question des accords mets et vins. Toujours épineuse. Je dirais qu’il y a trois dimensions qui rentrent en ligne de compte. La première est une dimension personnelle. On est tous plus ou moins sensible à des arômes, saveurs, il y a des choses que l’on aime plus ou moins. Donc un accord qui fonctionne pour moi ne fonctionnera peut-être pas autant pour vous.
La seconde est une dimension culturelle. Les accords mets et vins en Asie ne seront pas les mêmes qu’en France ni même qu’en Angleterre. Chaque pays à ses spécificités.
Enfin la dernière est une dimension « technique » ou du moins physiologique, chimique. Le lactose par exemple assèche le palais, indépendamment que vous aimiez ou pas le fromage ou que vous soyez Georgien ou Finlandais. Les tanins eux aussi sont asséchant par exemple et ont tendance à développer un côté « métallique » au contact de produit iodés.
Personnellement je n’irai donc pas conseiller un St Estèphe avec un saumon fumé par exemple mais si mes clients y trouvent leur compte…
Il y a quelques années cela m’aurait « révolté » maintenant, j’en ai pris mon parti. Pour autant il faut toujours essayer de guider le client avec respect, lui expliquer avec pédagogie et humilité. S’il est ouvert, il devrait être réceptif à ces arguments.
Mais disons qu’un accord met/vin réussi est celui qui nous fait plaisir. Après tout, c’est pour le plaisir que l’on ouvre une bouteille.
Quelles conseils ou suggestions donneriez-vous aux personnes qui s'intéressent au vin et à la dégustation et à ceux qui souhaiteraient exercer le métier de sommelier ?
Je ferais une distinction entre vouloir être sommelier, vouloir travailler dans l’univers du vin et s’intéresser aux vins.
Sommelier est un métier passionnant mais c’est un métier difficile, dur qui demande beaucoup de sacrifice. Il faut être prêt à ça.
Il est tout à fait possible de travailler dans l’univers du vin sans être sommelier.
S’intéresser aux vins, ma foi, goûter le maximum, lire, regarder, visiter, rencontrer, partager.
Plus largement, concernant la dégustation je rappelle souvent à mes interlocuteurs, qu’il faut oser, qu’il ne faut pas hésiter, pas avoir honte. Il ne sert à rien de chercher à être technique, faire semblant mais au contraire avec des mots simples qui font sens pour nous, essayer de repérer ce qui nous plait ou pas dans le vin goûté. Est-ce une couleur particulièrement éclatante, ou pâle par exemple. Est ce une odeur ou une texture et sensation plus tactile en bouche. Est ce du fait du plat avec lequel on a bu ce vin que l’on a eu ce sentiment de plaisir…
Bref, 1/ essayer de repérer ce qui nous procure du plaisir, 2/ mettre des mots simples, ses propres mots sans chercher à être technique ou impressionner 3/ utiliser ses 5 sens, car oui on utilise les 5 sens pour la dégustation, même l’ouïe.
Question récurrente dans les interviews de Spiritus Vinum : quel est votre meilleur souvenir de dégustation de vin? Et le pire… ou le moins bon ?
Hum, difficile. Le moins bon, j’imagine que je m’en souviens déjà plus, et c’est tant mieux.
Le meilleur, je sais pas. Celui à venir. J’aime être surpris, bousculé, interrogé, dérouté, séduit, charmé…
Ce plaisir n’est pas lié uniquement au vin intrinsèquement. Cela dépend du moment, de votre humeur, d’avec qui vous êtes, du contexte et du lieu de la dégustation…
Avant d'embouteiller cette interview, souhaitez-vous rajouter une dernière chose pour la route ? :-)
Buvez comme il faut, buvez ce qu’il faut.
----------
Propos et photos publiés sur ce site avec l'aimable autorisation de Médérick Tremaud